MOKUBEI (AOKI)

MOKUBEI (AOKI)
MOKUBEI (AOKI)

Homme de grande culture, amateur d’art éclairé, potier autant que peintre, Aoki Mokubei est le type même du lettré, dans son concept oriental, et la personnification d’une certaine élite intellectuelle de l’époque. Il fut esthète avant que d’être artiste et, fait exceptionnel, il passa très tard à la création.

En dépit de la politique isolationniste, le prestige de la Chine n’avait cessé de croître dans l’archipel du Japon depuis le XVIIe siècle. Son influence, devenue très profonde, féconda peinture et céramique, imprégna littérature et poésie. C’est donc dans une société éprise de culture chinoise qu’évolua Mokubei. Et les tendances contemporaines marquèrent fortement son œuvre.

Après une stricte fidélité aux traditions purement japonaises de Ninsei et de Kenzan, les potiers de Ky 拏to cédaient alors à la vague sinisante; cette déviation s’accentua avec Mokubei. Et s’il n’apporta aucune innovation en céramique, il sut en traduire les aspects les plus variés. Aussi est-ce à juste titre qu’on le considère comme l’un des meilleurs potiers de Ky 拏to au XIXe siècle.

Quant à sa peinture, elle ne fut pas le fruit d’une formation professionnelle, mais de ses goûts de dilettante et d’amateur averti. Vivant dans l’entourage de peintres Nanga, il leur emprunta naturellement leurs principes esthétiques. Ceux-ci cependant prirent, sous le pinceau de Mokubei, une touche très personnelle, car chez cet artiste le peintre et le céramiste ne font qu’un.

Le potier éclectique

Fils aîné d’un patron de maison galante de Ky 拏to (d’un restaurant, selon certains), Mokubei fut attiré très tôt par les lettres. Cette passion pour la littérature ne pouvait que provoquer une aversion caractérisée pour le métier paternel; aussi, à quinze ans, quitta-t-il la maison familiale. Ses pas le menèrent auprès de K 拏fuy 拏 (mort en 1784), tout à la fois graveur de sceaux renommé, grand lettré et connaisseur d’art. Ce contact lui fit découvrir, entre autres choses, les bronzes antiques. À un certain moment, Mokubei aurait même exercé ses talents à les imiter.

Une rencontre plus déterminante pour le jeune homme, doué mais encore instable, fut celle de Kimaru Kenkad 拏 (1736-1802). Ce dernier, résidant à 牢saka, passait pour l’un des hommes les plus cultivés du Kansai et sa maison était le pôle d’attraction de l’élite intellectuelle et artistique. C’est chez lui qu’en 1794 Mokubei découvrit une histoire de la poterie et de la porcelaine en Chine, le Yinwei bishu , écrit par Zhu Yan. Ce livre fut une véritable révélation pour Mokubei et décida de sa carrière. Il s’y attacha au point d’en faire une traduction. Commencée en 1804 sous le titre Commentaires sur la céramique (T 拏setsu ), reprise en 1827, elle ne sera publiée que deux ans après sa mort.

Vers l’âge de trente ans, nanti d’une connaissance théorique approfondie, Mokubei passe enfin à la pratique. Son maître fut Okuda Eisen, potier d’ascendance chinoise qui s’était fait connaître par ses copies de porcelaines Ming et surtout par ses imitations de Swatow (Shantou), production si prisée au Japon.

Mokubei conquit rapidement une grande célébrité, que des commandes princières en 1805 portèrent à son comble. Il fut commandité par de grands seigneurs de province. Il aurait ainsi, en 1801, fait un séjour chez le daimy 拏 de Kii, bien que, dans son état actuel, son œuvre n’en offre aucune trace.

Au début du XIXe siècle, Mokubei fit ses premiers céladons qui remportèrent un grand succès. Une grande part de cette production se rattache à son installation dans la province de Kaga. En 1806, les Maeda de Kanazawa, qui pratiquaient le mécénat artistique, invitèrent Mokubei à travailler sur leurs terres. Après quelques essais concluants, il y exécuta, outre toute une variété de céladons particulièrement fameux, des pièces de traditions très différentes: dans l’esprit des Vieux Kutani, de Ninsei et autres. Malheureusement, cette ère de bonheur tourna court: en 1808, l’incendie catastrophique du château de Kanazawa entraîna une politique d’austérité. Mokubei fut le premier touché; il dut fermer ses fours et rentrer à Ky 拏to.

Ce retour à la capitale amorce un tournant dans l’activité artistique de Mokubei. Bien qu’il n’abandonnât jamais la céramique, il se consacra, dès lors, de plus en plus à la peinture; en raison, dit-on, d’une surdité croissante, qui le rendait incapable de suivre la cuisson de ses pièces d’après le bruit du feu dans le four.

Le peintre amateur

Il est probable que les premiers contacts de Mokubei avec la peinture furent, sinon antérieurs, du moins contemporains à sa formation d’expert en céramique et imputables à K 拏fuy 拏, qui avait été un intime d’Ike no Taiga, à Kimura Kenkad 拏 et ses amis peintres de l’école Nanga. Autodidacte en ce domaine, il n’y chercha qu’un délassement favori en marge de la poterie, mais en y montrant un talent égal (cf. JAPON - Les arts).

Peu d’œuvres subsistant, leur évolution est difficile à relever. La plus ancienne qui soit datée est de 1798: Mokubei avait trente-deux ans. Il faut attendre treize ans pour découvrir la suivante. Puis une dizaine d’années encore avant d’arriver à la maturité, influencée par le paysagiste chinois Jiang Dalai, à qui il avait rendu visite à Nagasaki en 1822.

Après une certaine sécheresse au départ, le pinceau devient vite très libre. La technique se caractérise par la diversité et la redécouverte de l’esprit Nanga, avec pourtant certaines constantes dans le choix et le traitement des thèmes, ainsi que dans la composition. En effet, le paysage, dont la prédominance est absolue, est transfiguré par une inspiration plus chinoise que chez les autres tenants japonais du Nanga, ou, comme dans la série centrée sur la rivière Uji, corrigé à la manière impressionniste. D’autre part, la composition est empruntée souvent à la céramique, en ce sens que, comme dans le décor des bols, toute la profondeur est traitée avec la même densité, fouillée dans chaque plan, et que la progression classique fait place à une succession de temps forts tous également intenses. C’est là une composition parfaitement originale et d’une modernité certaine. Enfin, la sobriété de la palette ajoute encore au charme des peintures dont la monochromie est soit totale, soit rehaussée d’indigo et de brun, cette harmonie faisant songer, elle aussi, aux décors sur céramique.

Chez Mokubei, le potier et le peintre sont indissociables: on y retrouve la même qualité de talent. Pourtant, si la céramique a pu marquer sa peinture de manière originale, cette influence n’est pas réversible comme chez Kenzan. En fait, les deux facettes de son talent sont liées à sa culture chinoise, à son entourage intellectuel et artistique, à ses contacts avec les adeptes de la cérémonie du thé. C’est cette atmosphère qui le poussa, en tant que céramiste, à chercher dans la porcelaine chinoise une inspiration souvent heureuse et qui lui permit, comme peintre, d’assimiler parfaitement l’essence de la peinture des Lettrés.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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